Poids et risque cardiovasculaire
L'IMC n'est pas toujours corrélé au risque cardiovasculaire
Lee JJ et coll. Association of changes in abdominal fat quantity and quality with incident cardiovascular disease risk factors. J Am Coll Cardiol 2016; 68:1509-1521
http://content.onlinejacc.org/mobile/article.aspx?articleid=2555924
Surpoids et obésité sont classiquement liés au risque cardiométabolique, autrement dit le risque cardiovasculaire et de pathologies métaboliques tels que diabète ou dyslipidémies. Mais on sait qu'il existe des situations paradoxales où, toutes choses égales par ailleurs, des patients dont l'indice de masse corporelle (IMC) est dans les limites de la normale ont un risque cardiométabolique élevé, ou inversement, des patients obèses dont le risque cardiométabolique est faible. Ce "paradoxe de l'obésité" décrit par certains auteurs trouve un support anatomique et biologique dans la répartition anatomique des graisses et leur densité comme viennent de le montrer des auteurs américains affiliés au National Heart, Lung and Blood Institute (Framingham, MA, Etats-Unis).
L'étude dont les résultats viennent d'être publiés dans le Journal of the American College of Cardiology a inclus 1106 participants de la cohorte longitudinale Framingham Heart Study Third Generation, suivis durant 6.1 années en moyenne. La masse graisseuse, d'une part sous-cutanée, d'autre part viscérale, a été évaluée, de même que sa densité, par scanner et/ou IRM, chez chacun de ces participants, en début et fin d'étude. La masse graisseuse abdominale a augmenté en moyenne de 602 cm3 au cours de l'étude tandis que la masse graisseuse sous-cutanée a augmenté de 703 cm3. Dans le même temps, l'IMC a augmenté en moyenne de 1.1, le poids a augmenté de 2.4 kg et le tour de taille de 3.7 cm.
Les résultats montrent qu'il existe une forte corrélation entre la masse graisseuse viscérale et le risque cardiovasculaire, chaque augmentation de 500 cm3 de cette masse augmentant le risque d'hypertension artérielle de 32%, d'hypercholestérolémie de 40%, d'hypertriglycéridémie de 59% et de syndrome métabolique de 77%. La corrélation avec la masse graisseuse sous-cutanée est nettement moins forte, avec des valeurs respectives de 21%, 10%, 14% et 42%.
La baisse de la densité de la masse graisseuse était également corrélée à une augmentation de l'importance de ces différents facteurs de risque cardiovasculaire.
Les auteurs ne recommandent pas pour autant d'abandonner la mesure de l'IMC dans l'évaluation du risque cardiovasculaire de tout un chacun mais recommandent d'interpréter cette valeur avec prudence et de s'intéresser à la répartition des graisses. Cette recommandation semblera évidente à certains cliniciens qui savent depuis longtemps qu'une répartition gynoïde des graisses est moins athérogène qu'une répartition androïde. Mais soulignent les auteurs, dès lors que des mesures simples, peu irradiantes, seront disponibles pour mesurer la masse grasse et en apprécier la répartition ainsi que la densité (comme peut être mesurée la densité osseuse), on aura la possibilité d'évaluer bien plus précisément le risque cardiovasculaire de nos patients.