Intestin et choix des aliments

L'intestin joue un rôle majeur dans le choix des aliments

Hankir M.K. et al. Gastric bypass surgery recruits a gut PPAR-α-striatal D1R pathway to reduce fat appetite in obese rats. Cell Metabolism 2017 ; 25 : 335-344.
Caligiuri S. et Kenny P.J. Bariatric surgery restores gut-brain signaling to reduce fat intake. Cell Metabolism 2017 ; 25 : 221-222.
Sandoval D.A. et Seeley R.J. Good feeling for food choice. Nature 2017 ; 542 : 302-303.

Depuis plusieurs décennies, on pensait que si la chirurgie bariatrique permettait de perdre du poids, c'était du fait de la combinaison d'une restriction gastrique et d'une malabsorption calorique. Cependant, il est maintenant clair qu'il y a de nombreuses autres explications bien plus complexes. Le travail de Hankir et coll. dans Cell Metabolism en est l'illustration. Cette équipe a utilisé la chirurgie bariatrique par bypass gastrique pour identifier les molécules faisant le lien entre le système gastro-intestinal et le système nerveux central chez le rat.

Généralement, les rongeurs, lorsqu'on leur donne le choix entre une alimentation riche ou pauvre en graisses, préfèrent l'option "riche en graisses". Le bypass gastrique réduit la taille de l'estomac et on attendrait donc qu'après la chirurgie, les animaux tendent à choisir des aliments caloriquement plus denses comme les lipides. Pourtant, les animaux obèses qui ont été traités par chirurgie bariatrique évitent ces aliments riches en graisses, ce qui signifie que le bypass gastrique entraîne de profonds changements dans les préférences alimentaires des rats.

Dans l'intestin, un dérivé des acides gras appelé oléoyléthanolamide (OEA) est synthétisé lorsque les graisses sont ingérées. OEA active les récepteurs PPAR-α. On pense que ces récepteurs, à leur tour, activent le nerf vague qui se projette au niveau du cerveau pour promouvoir la satiété. Dans le cerveau, la libération de la dopamine active les circuits de récompense mais sa libération est inhibée chez le rat obèse, si cette obésité est le résultat d'un régime riche en graisses. L'alimentation des rats avec de l'OEA restaure la libération de dopamine à partir d'une région du cerveau appelée le striatum dorsal et arrête l'ingestion de graisses. Toutes ces données suggèrent donc qu'il y a bien un système de signalisation entre le tractus gastro-intestinal et le striatum dorsal pour réguler la préférence pour la graisse.

L'équipe d'Hankir a travaillé sur ce sujet à partir d'animaux ayant eu un bypass gastrique. Les concentrations d'OEA, comme celles de dopamine, sont habituellement abaissées chez les animaux obèses et ils ont observé qu'après chirurgie de bypass gastrique, on constate dans l'intestin une restauration des concentrations d'OEA jusqu'à des niveaux correspondant à ceux observés avant le développement de l'obésité. Chez les animaux qui ont eu un bypass gastrique, les concentrations de dopamine au niveau du striatum sont augmentées en comparaison des animaux contrôles, qui ont eu simplement une opération placebo, et ces concentrations de dopamine sont aussi supérieures à celles observées chez les animaux qui ont eu le même amaigrissement, mais via une restriction alimentaire. Les rats qui ont eu un bypass gastrique ont une préférence pour les régimes à faible teneur en graisses plutôt que pour ceux à haute teneur en graisses et cette préférence peut être annulée si l'on bloque la capacité de l'OEA à activer PPAR-α, ou en sectionnant le nerf vague ou encore en bloquant la signalisation de la dopamine au niveau du striatum.

Toutes ces données suggèrent donc qu'il y a bien un lien entre le tractus gastro-intestinal et le cerveau conduisant à des choix différents en termes d'aliments et cela après bypass gastrique. Les données concernant la taille des repas et les choix alimentaires chez les patients ayant eu une chirurgie bariatrique par bypass gastrique laissent penser que le mécanisme est probablement opérationnel chez l'homme également. 

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