Uricémie et risque cardiovasculaire

Quel rôle de l'uricémie sur le risque cardiovasculaire ? Un débat qui court depuis le 19e siècle et toujours ouvert !

White J. et al. Plasma urate concentration and the risk of coronary heart disease : a Mendelian randomisation analysis.Lancet Diabetes Endocrinol 2016 ; 4 : 327-36.

L'acide urique est un produit circulant du métabolisme des purines, synthétisé à partir de l'hypoxanthine et de la xanthine par l'effet de la xanthine oxydo-réductase. En cas d'augmentation importante, on connaît bien les complications rhumatologiques ou néphrologiques liées à la goutte. Le rôle de l'acide urique dans les maladies coronariennes est débattu depuis le XIXème siècle !

En effet, les patients ayant une coronaropathie établie ont une augmentation de l'uricémie en comparaison des sujets sains et l'augmentation de l'uricémie semble associée à une augmentation du risque de survenue de maladie coronaire. Pour autant, y-a-t-il un lien de cause à effet ? Le rôle de l'acide urique dans l'athérosclérose n'est pas clair. L'acide urique aurait en effet un effet athéro-protecteur alors que des effets pro-athérogènes ont également été décrits. Comme l'augmentation de l'acide urique est souvent associée à d'autres facteurs de risque vasculaire, il est difficile de faire la part des choses. Des auteurs anglais ont donc réalisé une analyse de randomisation mendélienne afin de clarifier si l'acide urique avait, en soi, un rôle causal dans le risque de maladie coronarienne.

Ils ont d'abord réalisé une méta-analyse de l'association entre l'uricémie et le risque de maladie coronarienne dans les études d'observation puis ont utilisé une approche de randomisation mendélienne pour mieux analyser la relation causale en utilisant un instrument génétique basé sur 31 SNP associés à l'uricémie. Ils ont, en plus, afin de s'affranchir d'associations potentiellement pléiotropes de certains SNP avec d'autres facteurs de risque que l'uricémie, réalisé une analyse de randomisation mendélienne multivariée dans laquelle l'association génétique de SNP a été faite avec la pression artérielle, le HDL cholestérol et les triglycérides comme covariables.

Dans la méta-analyse de 17 études prospectives observationnelles portant sur 166 486 individus avec 9 784 événements coronariens survenus, une concentration d'acide urique supérieure de + 1SD est associée à un odds ratio de maladie coronarienne de 1.07 (IC 95 % : 1.04-1.10). Les estimations des odds ratios correspondant à partir de l'analyse conventionnelle sont de 1.18 (1.08-1.29), après ajustement multivarié de 1.10 (1.0-1.22) et après analyse de randomisation mendélienne de 1.05 (0.92-1.20) pour une augmentation de 1SD de l'uricémie.

En conclusion, les analyses de randomisation mendélienne conventionnelle et multivariées permettent, semble-t-il, de conclure à un rôle causal de l'uricémie dans le développement des pathologies coronaires. Cependant, ces estimations pourraient être surestimées par une pléiotropie cachée. Des analyses en randomisation mendélienne qui prennent en compte la pléiotropie mais ont moins de pouvoir statistique suggèrent qu'il pourrait ne pas y avoir d'effet causal.

En conclusion, il est vraisemblable que le seul moyen de répondre à la question de manière plus définitive serait de mettre en place des essais cliniques dans lesquels l'uricémie serait traitée pour vérifier l'effet sur la survenue de maladie coronaire en comparaison d'autres interventions éventuelles.

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