Neurotensine et obésité induite par un régime riche en graisses

La neurotensine, un peptide qui joue un rôle important dans l'obésité induite par un régime riche en graisses

Li J. et al. An obligatory role for neurotensin in high-fat-diet-induced obesity. Nature2016 ; 533 : 411-415.

La neurotensine, un peptide de 13 acides aminés, localisé de manière prédominante dans les cellules spécialisées entéro-endocrines de l'intestin grêle et libérée lors de l'ingestion de graisses, facilite la translocation des acides gras dans l'intestin du rat et stimule la croissance de différents cancers. Les effets de la neurotensine sont médiés par 3 récepteurs de la neurotensine (NTR1, 2 et 3).

On sait que l'augmentation des concentrations à jeun de pro-NT (un fragment précurseur de la neurotensine, produit en quantité équimolaire à la neurotensine) est associée à une augmentation du risque de diabète, de maladies cardiovasculaires et de mortalité. Toutefois, jusqu'à maintenant, on n'a jamais pu mettre en évidence de rôle causal de la neurotensine dans ces maladies.

Une équipe américaine a donc généré des souris déficitaires en neurotensine et montre dans un article de Nature que ces souris sans neurotensine ont une diminution significative de l'absorption intestinale de graisses et sont protégées de l'obésité, de la stéatose hépatique et de l'insulinorésistance associées à une consommation élevée de graisses. La neurotensine atténue l'activation de l'AMPK (AMP-activated protein kinase) et stimule l'absorption des acides gras chez la souris et dans les cellules intestinales en culture et cela se produit via un mécanisme impliquant le récepteur 1 et 3 de la neurotensine.

L'expression de la neurotensine chez la drosophile dans les cellules entéro-endocrines produit une augmentation de l'accumulation de lipides dans l'intestin, la graisse corporelle et les oenocytes (cellules hépatocytaires like spécialisées) et une diminution de l'activation de l'AMPK.

Chez l'homme, les sujets obèses, comme les sujets insulino-résistants, ont une concentration plasmatique élevée de pro-neurotensine. Chez les sujets non-obèses, le risque de développer une obésité au cours d'un suivi moyen de 16.5 ± 1.5 années augmente de manière graduelle avec les quartiles de pro-neurotensine de manière indépendante de l'IMC, de l'âge et du sexe au départ (p < 0.0001). Les sujets non-obèses dans le quartile supérieur des concentrations de pro-neurotensine basale ont un risque plus de 2 fois supérieur de développer une obésité en comparaison de ceux qui sont dans le quartile le plus bas (odds ratio = 2.05 ; IC 95 % 1.38-3.06).

Ainsi, dans ces études de population, les concentrations de pro-neurotensine prédisent de manière forte l'apparition d'une obésité et cela de manière graduelle et indépendante de l'IMC et de l'insulinorésistance basaux.

Toutes ces données, aussi bien chez la souris, la drosophile que chez l'homme semblent donc démontrer un rôle critique de la neurotensine dans l'obésité induite par un régime riche en graisses, impliquant une diminution de l'activation de l'AMPK et une augmentation de l'absorption intestinale des lipides. Les concentrations de pro-neurotensine pourraient représenter des facteurs de risque forts d'obésité humaine. Si l'on se place dans la perspective de l'évolution, des gènes permettant une économie métabolique comme la neurotensine sont très bénéfiques pour permettre une absorption efficace de toutes les graisses ingérées mais en cas d'abondance de graisses comme ce qu'on voit dans les régimes occidentaux habituels, la neurotensine pourrait avoir un effet délétère en contribuant à l'augmentation du stockage de graisses, à l'obésité et aux troubles métaboliques.

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